Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Les combats des défenseurs des droits en Russie post-soviétique. L'exemple d'une association d'aide aux migrants et aux réfugiés

Agnès Blais

Résumé

Le mouvement de défense des droits qui a émergé en URSS dans les années 1960, a contribué à la mise en pratique des droits internationaux inscrits dans des traités. Il a légué une éthique de non-violence, de soutien aux victimes de l’arbitraire, d’action dans les cadres du droit, d’appels au respect de la Constitution russe et de recours aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux institutions transnationales chargées de les garantir. Dans la Russie post-soviétique, cette mémoire de la défense des droits s’actualise et se régénère à travers l’engagement de jeunes défenseurs des droits dans un contexte de forte répression des voix dissidentes et critiques du pouvoir depuis le tournant autoritaire de 2012.  Cette thèse aborde l’évolution du mouvement de défense des droits de l’homme et du milieu associatif dans la Russie des années 2010, et celle de la catégorisation des étrangers. Elle s’inscrit dans le questionnement anthropologique sur la concrétisation et la mise en pratique des droits de l’homme. Pour ce faire, elle arrime les combats des défenseurs des droits à l’ethnographie, effectuée entre 2012 et 2016, d’une association russe d’aide aux migrants et aux réfugiés située à Moscou : le Comité « Assistance civique » (CAC).  Dans une perspective historique et anthropologique, l’aide octroyée par le CAC est étudiée en suivant, depuis l’éclatement de l’URSS, les vagues d’exilés qui arrivent à Moscou ou les personnes qui deviennent des étrangers, soit parce qu’elles n’arrivent pas à se légaliser, soit parce qu’elles ne peuvent pas accéder à la pleine citoyenneté en raison de la xénophobie, ou d’obstacles bureaucratiques et législatifs. L’objectif est d’analyser, d’un côté, qui est étranger en Russie et comment ces étrangers sont traités par les instances étatiques et, d’un autre côté, de mettre en relief les solidarités qui s’expriment au sein du CAC en lien avec l’accueil des étrangers et les limites de cette aide. Dans les années 1990, le CAC vient en aide essentiellement aux réfugiés de l’ex-URSS, puis aux déplacés intérieurs de la Tchétchénie. À partir de 1998, il devient le principal partenaire du Haut Commissariat aux réfugiés en Russie. Il s’inscrit alors dans un réseau d’aide humanitaire transnationale aux normes juridiques définies et accueille des réfugiés de pays plus éloignés. Outre les arrivées successives des citoyens ex-soviétiques, des Afghans, des Syriens et des Ukrainiens, cette thèse se penche plus spécifiquement sur la « vie sociale des droits » (Goodale 2009) des migrants et des réfugiés de différents pays d’Afrique qui se retrouvent à Moscou dans une situation particulièrement vulnérable et étudie la violence institutionnelle et populaire dont ils peuvent être victimes, ainsi que les violations de leurs droits. La réalisation des droits des migrants et des réfugiés est entravée par le contexte de répression des associations et des défenseurs des droits, par un discours étatique qui fait primer la sécurité de l’État sur les droits individuels et en opposition aux valeurs occidentales (dont les droits de l’homme), par la primauté du critère ethnique sur la promotion d’une citoyenneté individuelle, par une approche policière des migrations et par la réduction des migrants et des réfugiés à des travailleurs temporaires. Les membres du CAC se battent pour l’application du droit d’asile et la réalisation des droits civiques et socioéconomiques. Pour ce faire, ils ont recours au discours des droits et aux instances internationales et transnationales qui les soutiennent. Toutefois, afin d’offrir une aide plus efficace et humaine, ils combinent à leur approche juridique dominante, des solidarités plus pragmatiques, un engagement personnel fort et une aide humanitaire et caritative.

 

Jury

  • Mme Françoise Daucé (Directrice de thèse), EHESS
  • Mme Francine Saillant (Directrice de thèse), Université Laval
  • M. Dominique Arel, Université d’Ottawa
  • M. Alain Blum, EHESS
  • Mme Aurélie Campana, Université Laval
  • M. Bogumil Jewsiewicki Koss, Université Laval
  • Mme Kathy Rousselet, IEP Paris
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