2020-2024 • ANR CEREMONIAC • "Fabriquer les inégalités ou construire le lien social. L’économie cérémonielle en Asie centrale soviétique et postsoviétique (1960-2020)"

Coordination Isabelle Ohayon, (Cercec-CNRS/EHESS)

Les dépenses consacrées aux cérémonies du cycle de vie ont progressé depuis les années 1960 dans les pays d’Asie centrale jusqu’à atteindre de tels excès qu’elles mettent en difficultés des pans entiers de la société. Aussi, les Etats légifèrent-ils et tentent-ils d’encadrer les sommes engagées par les familles, le nombre de convives, la durée des cérémonies. Le projet ANR Ceremoniac a l’ambition de reconsidérer cet objet classique de l’anthropologie sous l’angle de la double capacité des dépenses rituelles à construire la cohésion communautaire mais aussi à actualiser et fabriquer des hiérarchies statutaires, économiques et politiques. Ceremoniac réunit une équipe pluridisciplinaire et internationale de chercheurs en histoire, anthropologie, socioéconomie, économie et géographie, composée de quatre partenaires : le CERCEC, le CED (Bordeaux), l’institut d’histoire de l’Académie des Sciences d’Ouzbékistan et la Haute Ecole d’économie de Moscou. Le projet mobilisera différentes techniques d’enquête (ethnographie, études quantitatives, historie orale, approche cartographique de l’économie cérémonielle) pour explorer trois aspects de cette question. Il ambitionne de reconstruire la progression des dépenses rituelles et des moyens qu’elle mobilise depuis les dernières décennies de la période soviétique et d’ethnographier les liens sociaux à l’œuvre dans cette économie (1). Il veut examiner le pouvoir du consumérisme et de la libéralisation du marché dans la reconfiguration du sens et de l’économie de la fête. Il engagera ainsi une enquête socioéconomique, quantitative et qualitative, sur le budget des cérémonies à l’échelle des ménages et de leurs réseaux. Elle sera corrélée à une étude portant  sur le développement du marché des prestations de service, des biens de consommation et du crédit bancaire, pour notamment analyser les formes et modalités de l’endettement (2). Enfin, il étudiera les politiques publiques de régulation de ces pratiques et l’usage politique et clientéliste des cérémonies. Cet aspect s’articulera à une recherche sur les acteurs religieux musulmans et leur implication dans le débat public sur l’éthique de ces dépenses cérémonielles, comme dans le marché des prestations (3).

Cette recherche doit contribuer à mettre au jour les rationalités de cette économie cérémonielle afin de la comparer aux formes inflationnistes qu’elle prend dans de nombreuses autres sociétés du monde.